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L’appareillage auditif chez l’enfant

Lorsqu’un enfant ne parle pas et/ou semble réagir de façon anormale aux stimuli sonores, l’entourage nourrit rapidement une crainte de retards cognitifs. De nombreux médecins sont successivement consultés : le généraliste, le pédiatre, l’orthophoniste voire le psychologue ou le psychiatre. Souvent, c’est au terme d’un long parcours que l’ORL sera enfin consulté. Il décèlera un handicap auditif, pouvant avoir différentes causes possibles (surdités de transmission congénitale et acquises chez l’enfant ; surdités de transmissions malformatives chez l’enfant ; les différents niveaux de surdité et la communication, chez l’enfant). Le chemin vers l’appareillage auditif et l’adaptation prothétique commence alors.

Premier rendez-vous avec l’audioprothésiste

L’appareillage auditif de l’enfant est fondamentalement différent de celui de l’adulte : en effet, la prise en charge de l’enfant déficient auditif commence par la prise en charge « psychologique » des parents voire de toute une famille dont l’équilibre a été modifié par l’annonce du diagnostic de surdité.

Le premier rendez-vous avec l’audioprothésiste est l’étape clé dans le processus d’acceptation de cette surdité. Certes l’appareillage auditif visualise le handicap, mais il est également porteur d’espoir et de projection vers l’avenir.

Lors de ce premier rendez-vous, les parents posent de nombreuses questions :

À cet instant commence la guidance parentale. En coordination avec le médecin ORL, il faut définir le rôle de chacun :

L’audioprothésiste se doit d’être rassurant, il ne doit pas banaliser l’appareillage auditif mais, au contraire, insister sur ce qu’il apportera, sur le plan auditif et son importance sur le développement intellectuel et psycho actif du jeune enfant.

Cette première consultation commence par l’anamnèse de cette surdité, pour essayer de connaître si possible :

L’audioprothésiste doit savoir se situer sur le terrain relationnel, sur celui de la haute technologie et être clair dans ses explications. Il ne faut pas oublier qu’il doit soutenir la famille, bien que son objectif principal reste l’appareillage auditif de l’enfant. Il faut aussi établir avec ce dernier une bonne relation, le rassurer, le toucher, lui sourire, lui parler.

Cette relation privilégiée avec l’enfant va sceller la confiance des parents et permettre une prise en charge à long terme.

Ce rendez-vous sera clos par une prise d’empreinte du conduit auditif et seront abordées les démarches administratives de prise en charge, même si, dans le cas du handicap auditif chez l’enfant, l’aspect financier peut passer au second plan puisque la prise en charge par les organismes sociaux est intégrale, y compris pour les familles bénéficiant de la Couverture Maladie Universelle (CMU). Bien souvent, on proposera un tiers payant pour affranchir la famille des contraintes financières.

Principes fondamentaux de l’appareillage auditif du jeune enfant

L’appareillage auditif de l’enfant en général et du tout petit en particulier, doit répondre à des critères incontournables et spécifiques :

Il n’existe pas de limite inférieure à l’appareillage auditif. Même face à une surdité profonde, un appareillage auditif conventionnel sera tenté avant de proposer un implant cochléaire. En général, plus le déficit auditif est important, plus le dépistage est précoce.

Plusieurs séances d’adaptation seront nécessaires. Il faut faire et refaire les examens afin d’optimiser les réglages et affiner le gain prothétique. Une adaptation n’est jamais définitive mais le fait que l’enfant réclame ses appareils auditifs et les porte toute la journée est déjà gage de réussite.

L’appareillage auditif doit être précoce, c’est à dire dès la confirmation du diagnostic. Il nécessite une guidance parentale, qui est un accompagnement tout au long du suivi.

La prise en charge éducative spécifique doit se faire en équipe :

Les différents examens indispensables pour entreprendre un appareillage auditif

Un appareillage auditif efficace ne peut pas être proposé à la seule vue d’un audiogramme tonal. L’audioprothésiste ne commencera sa prise en charge que s’il est en possession d’un bilan ORL complet comprenant :

Les examens d’orientation prothétique chez l’enfant

Ce sont les examens que les audioprothésistes sont amenés à pratiquer pour le choix et l’adaptation des aides auditives. Ces examens sont spécifiques à chaque âge et devront évoluer tout au long du suivi de l’enfant. Dans les premiers mois et tant que le langage ne sera pas installé, les audioprothésistes pratiqueront une audiométrie tonale puis, dès que possible, une audiométrie vocale.

De la naissance jusqu’à 2 ans

Il s’agit de petits audiomètres portatifs qui délivrent, soit :

Les deux oreilles seront testées, l’une après l’autre, alors que le bébé est calme, éveillé ou proche de l’éveil. Les réactions observées peuvent être réflexes, telles que :

Les réactions observées peuvent également être des modifications comportementales : pleurs, réveil, modification du rythme respiratoire, sursaut, grimaces, arrêt de succion, écarquillement des yeux.

Cet examen requiert l’utilisation de jouets sonores (tambourins, cloches, sifflets), les boites sonores de MOATTI calibrées à 60dB à 2 mètres ou des grelots du Boël Test (35 à 40dB à 20cm). Tous ces jouets sont calibrés, en fréquence et intensité.

Ces tests doivent être réalisés en dehors du champ visuel de l’enfant, le but est de provoquer un réflexe d’orientation investigation. L’enfant doit chercher de lui-même l’origine de la source sonore, il faut donc veiller à ne pas le stimuler visuellement.

Nous pouvons cependant observer d’autres réactions telles que : pleurs, cris, rires ou simple changement d’expression du visage.

Pour être significatives, les réponses obtenues doivent être répétitives. Nous obtenons alors un premier profil auditif de l’enfant, en effet, nous aurons testé l’audition dans 3 zones fréquentielles : grave, médium, aigue, à des intensités variant de 35 à 80dB.

Le matériel est très variable et peut faire appel à l’imagination de chacun, généralement sont utilisées deux sources sonores, chacune liée à un objet ou à un jouet qui s’anime ou qui tourne. Ce test repose sur l’établissement d’un réflexe conditionné et consiste à émettre, à droite ou à gauche, des stimuli auditifs en champ libre et à envoyer une récompense visuelle, à droite ou à gauche, lorsque l’enfant répond. Une fois ce conditionnement obtenu, il nous est possible, en augmentant ou en diminuant progressivement l’intensité, de déterminer, fréquence par fréquence, le seuil auditif de l’enfant et donc d’établir un audiogramme.

Cet examen entre dans le cadre de l’audiométrie tonale et fait appel à des sons purs, des sons vobulés ou du bruit blanc filtré. La stimulation sonore doit être de courte durée. L’examen réalisé en champ libre donne une idée de l’audition binaurale et ne permet pas de déceler une éventuelle asymétrie.

Il s’agit d’appeler l’enfant par son prénom ou de faire des « hou hou » de plus en plus fort (voix chuchotée, parlée et criée). Ces tests restent très subjectifs, une grande habitude est nécessaire mais ils donnent toutefois de bonnes indications sur le comportement auditif de l’enfant.

Entre 2 et 5 ans

Le test se déroule en champ libre ou au casque et nécessite un conditionnement avec une participation plus active de l’enfant, qui va lui-même déclencher la récompense dès qu’il aura perçu un signal sonore (en l’absence de stimulation auditive, il ne se passera rien). La récompense peut être :

Il est à noter qu’en aucun cas l’enfant ne doit voir les manipulations de l’opérateur, qui doit savoir rester impassible. En pratique, toutes les fréquences de 250 à 4000Hz seront testées. A partir du moment où l’enfant accepte le casque, nous testerons chaque oreille séparément, ainsi que la conduction osseuse globale.

Plus de 5 ans

Pour les enfants âgés de plus de 5 ans, c’est l’audiométrie tonale adulte qui sera pratiquée. Par contre, les épreuves vocales seront choisies en fonction du niveau de développement du langage de l’enfant. Nous disposons :

Dans les surdités moyennes et sévères, aujourd’hui dépistées tôt par les médecins de PMI et les médecins scolaires, le retard ou la quasi absence de langage sont tels que l’utilisation de test vocaux pour contrôler l’efficacité prothétique dans les premiers temps d’adaptation de l’appareillage auditif est délicate.

L’audioprothésiste utilise donc des tests de discrimination de mots par identification de petits jouets ou d’images. L’enfant écoute les mots émis par l’examinateur ou un CD et désigne la représentation du mot qu’il a identifié.

Ces tests corrélés à l’audiométrie tonale permettent une bonne évaluation du rapport performance intensité.

Il est plus intéressant d’établir une corrélation entre l’audiogramme tonal et les indices acoustiques définissant les traits distinctifs phonémiques dans la perspective du réglage électro-acoustique des processeurs numériques multiparamétriques.

Sur un audiogramme tonal ne sont représentés que les axes fréquences et intensité. L’axe temporel, qui est essentiel au plan phono syntaxique (découpage syllabique) et phonémique (transitions formantiques), est absent. De plus, on trouve souvent, dans la littérature, des représentations d’audiogramme tonal où sont portées les « zones » acoustiques correspondants à tel ou tel phonème.

Ces représentations sont réductrices et bien souvent erronées.

Ainsi, dans l’ouvrage de Jerry L. Northern & Marion P. Downs (Hearing in children, 1991), on constate que les consonnes continues graves /f / et /ch/ sont situées dans la même zone audiométrique que la consonne aigue /s/, alors que les pôles de bruit de friction s’étalent entre 1 et 7 kHz pour les graves et entre 4 et 9 kHz pour les aigus. Les continues /z/ et /v/ sont représentées entre 250 et 500Hz : c’est donc le trait de voisement qui est mis en évidence, puisque les zones spectrales sont les mêmes que pour /s/ et /f/. Quant aux voyelles /i/, /a/ et /o/, elles sont positionnées à 750Hz, qui correspond au 1er formant du /a/ mais à aucun indice acoustique du /i/.

Chez l’adulte, les tests de différenciation phonémique apparaissent dès les années 60 ; les tests de traits distinctifs apparaissent à la fin des années 70. A la fin des années 80, on voit les applications de ces tests à l’audiométrie vocale chez l’enfant.

En France, confronté à la difficulté d’élaborer des listes de Paires Minimales adaptées à l’enfant, J.P. Béraha propose, en 1978, l’utilisation de listes de logatomes VCV (voyelles consonnes voyelles), avec des stimuli de parole naturelle et synthétique.

Ce test est bien adapté au cas des surdités moyennes et légères.

La guidance autour de l’appareillage auditif

Le moment où les prothèses auditives sont mises en marche est un moment fort, chargé d’une émotion palpable. C’est un moment partagé avec les parents, les yeux rivés sur leur enfant qui va réagir, à sa manière, le plus souvent par la sidération. Le temps semble alors s’arrêter, comme en suspend.

Vient alors la guidance, c’est à dire l’accompagnement pour soutenir les parents, les encourager dans leur rôle et dans leur investissement quotidien à moyen et long terme.

C’est, en effet, sur les parents que reposeront principalement la découverte du monde sonore et l’apprentissage de la communication orale.

L’audioprothésiste doit savoir rester humble sans se réfugier derrière la toute puissance d’appareils auditifs de haut niveau technologique ; il doit s’adapter à chaque famille et à chaque enfant ; il doit pouvoir répondre à toutes les questions, sans banaliser la surdité et en respectant la douleur des parents ; il doit être rassurant et positif, prodiguer des conseils autour de l’appareillage auditif et des directives simples avec des explications claires :

La guidance se poursuit longtemps, jusqu’à ce que l’enfant devenu grand se prenne en charge et assume sa surdité.