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Pourquoi les appareils auditifs préréglés ne sont pas pris en charge ?

Deux types d’appareils auditifs sont commercialisés aujourd’hui :

Les points communs et les différences entre ces 2 types d’appareils auditifs ont fait l’objet d’un article que nous avions publié précédemment et que vous pouvez consulter ici.

Ces 2 types d’appareils auditifs ont également fait l’objet d’un essai clinique américain qui, en 2012, cherchait à savoir si le service de suivi (très onéreux puisqu’il représente 40% du montant total de la facture selon l’UFC Que Choisir) était une nécessité absolue, garante de la satisfaction et de l’appareillage des utilisateurs presbyacousiques : il en ressort que non, absolument pas. Rappelons (nous vous encourageons vivement à lire cet essai clinique) que l’essai conclut, concernant l’appareillage auditif vendu sans service de suivi :

2019 en France, citoyens, institutions, professionnels de santé :

Pourtant, seuls les appareils auditifs exclusivement délivrés par les audioprothésistes sont pris en charge par la Sécurité Sociale et les mutuelles. D’un point de vue médical, c’est une aberration. Du point de vue des français concernés, c’est une honte. Mais, bien malheureusement, pour l’État et les audioprothésistes, c’est une fabuleuse aubaine. Du coup, l’UNSAF pond de jolis communiqués pour rappeler que le métier d’audioprothésiste c’est avant tout un métier de « care » et qu’il faut « aider » les français et agir « en prévention ».

Amen.

La prise en charge par la sécurité sociale

La sécurité sociale ne prend en charge l’appareillage auditif que s’il est délivré par un audioprothésiste. En effet, selon le code de la sécurité sociale, pour qu’un appareil auditif soit pris en charge, il doit nécessairement :

Ainsi, l’appareillage auditif préréglé, qui ne nécessite ni prescription médicale, ni service de suivi, n’est pas pris en charge par la sécurité sociale et cela malgré le fait qu’il apporte une solution innovante, immédiate et idéale à un enjeu de santé publique : le rejet massif de l’appareillage traditionnel et les milliards d’euros générés annuellement par les conséquences induites du non appareillage (repli sur soi, isolement progressif, perte de confiance en soi, dépression, démence, dépendance).

La prise en charge de l’appareillage auditif délivré par un audioprothésiste varie en fonction de l’âge et du handicap de la personne appareillée.

Individus de moins de 20 ans et/ou en situation de handicap auditif

Depuis Janvier 2019, les personnes de moins de 20 ans et les personnes en situation de handicap auditif bénéficient d’une prise en charge à hauteur de 60% d’un plafond fixé à 1 400€, soit 840€ par appareil auditif.

Rappel :

Est considéré comme handicap auditif toute perte auditive supérieure à 70dB. Le handicap auditif regroupe la perte auditive sévère et la surdité profonde. La surdité profonde n’est pas appareillable. Les personnes en situation de handicap auditif utilisent la Langue des Signes et la lecture labiale. 90% d’entre elles sont appareillées, ce qui leur permet de se socialiser et de vivre normalement.

Individus de plus de 20 ans, non concernés par un handicap auditif

Les personnes de plus de 20 ans, non concernées par un handicap auditif, bénéficient d’une prise en charge à hauteur de 60% d’un plafond fixé à 300€, soit 180€ par appareil auditif.

Rappel :

3 sur 4 refusent de s’appareiller, le prix étant jugé exorbitant et les personnes concernées étant peu désireuses de porter un dispositif visible et complexe, obtenu au terme d’un parcours long et règlementé. Les presbyacousiques sont les seuls concernés par les risques du non appareillage auditif, dont les conséquences induites représentent quelques 2 milliards d’euros annuels à la sécurité sociale. C’est avec l’objectif d’appareiller 1 presbyacousique sur 2 que le Gouvernement a mis en place la réforme du RAC 0, dont le président de l’UNSAF (syndicat des audioprothésistes) a immédiatement annoncé « qu’elle ne concernerait que 20% à 30% des pertes auditives » (surprenant !)

Individus bénéficiant de la CMU (Couverture Maladie Universelle)

Les personnes bénéficiant de la CMU ont une prise en charge à 100%.

• La prestation de suivi : indispensable ?

L’essai clinique réalisé en 2012, qui compare objectivement appareil auditif vendu avec prestation de suivi (prix haut) et appareil auditif vendu sans pression de suivi (prix bas, appareil préréglé dont la technologie est comparable aux prothèses plus onéreuses) a démontré que la prestation de suivi n’est pas garante de la satisfaction de l’utilisateur et n’entraine pas un port plus régulier des appareils auditifs. Le coût de cette prestation, en revanche, constitue un frein à l’achat puisque 85% des personnes l’ayant payé ont rendu leurs appareils auditifs à la fin de l’étude.

Alors, indispensable, la prestation ? Il semblerait que, pour les personnes presbyacousiques, cette prestation ne soit pas indispensable et qu’un appareil préréglé vendu sans prestation génère une satisfaction comparable voire supérieure à des appareils plus onéreux vendus avec cette prestation. Pourquoi ? Car l’offre auditive préréglée, qualitative, répond à la demande et est donc, naturellement, mieux accueillie.

Le site de la sécurité sociale, ameli.fr, définit ainsi ce qu’est le suivi si onéreux :

Ce qui est regrettable c’est que ce suivi sur 4 ans ne prend pas en compte les éléments indispensables :

Un système à l’encontre du bon sens

Si, dans sa prise en charge, la sécurité sociale distingue handicap auditif et presbyacousie, c’est bien parce qu’il s’agit là de deux atteintes auditives très différentes. Alors qu’une personne en situation de handicap a besoin d’un réglage adapté et d’un suivi régulier, il n’en n’est rien pour une personne qui ne ressent qu’une simple gêne auditive. Le bon sens voudrait que, pour répondre à des besoins différents, l’offre soit différenciée :

On peut légitimement se poser 3 questions :

  1. Soit la Sécurité Sociale (donc le Gouvernement) n’a aucun pouvoir de négociation auprès des syndicats d’audioprothésistes (dont le Président, Luis Godinho, est également membre – on le rappelle – du Haut Conseil pour l’Avenir de l’Assurance Maladie, du Haut Conseil de la Famille, de l’Enfance et de l’Age et de la Commission des Comptes de la Sécurité Sociale), ce qui expliquerait pourquoi la Loi Macron n’ait jamais été actée (d’autres scandales ont éclaté sur d’autres marchés et les agissements non éthiques n’étonnent, malheureusement plus personne) ;
  2. Soit que la Sécurité Sociale se moque complètement de dépenser encore plus (d’argent du contribuable) malgré son déficit actuel de plusieurs milliards d’euros, sans pour autant avoir, en contrepartie, la certitude que le taux d’appareillage national augmentera (c’est à dire qu’on cessera d’orienter préférentiellement les personnes concernées vers des contours d’oreille visibles avec des technologies onéreuses inutiles telles que le réducteur du bruit du vent et le micro multidirectionnel qui n’ont de sens que parce que le produit vendu est, justement, un contour d’oreille et non un intra auriculaire) ;
  3. Soit – pour finir, que le taux d’appareillage des français ne soit franchement pas le souci de la Sécurité Sociale.

En 2015 devait être acté la Loi Macron qui ambitionnait (en théorie) de modifier le code de la sécurité sociale afin que puisse être vendus séparément appareil auditif et prestation de suivi. Avec cette loi :

On comprend aisément que cette proposition, ainsi qu’une autre, similaire, proposée lors de la réforme du RAC0, n’aient pas plu aux audioprothésistes. Et, pour aller plus loin, comme nous évoluons – depuis 2008 – dans un monde où la dette crée de la croissance, on peut même penser que ces propositions n’allait pas dans le sens du Gouvernement qui préférerait sans doute que la Sécu soit encore plus endettée (on en parlait ici).

Et les mutuelles, alors ?

« La mutuelle qui vous aime avec un grand M » ; « Entre nous c’est mutuel » ; « Jour après jour nous construisons la solidarité » ; « Mutuelle Agile et Innovante » ; « Une vraie mutuelle Seniors » ; « L’avenir est affaire de prévoyance » ; « La solidarité a un nouveau visage »

Qu’en est-il du côté des mutuelles qui, à grand renfort de slogans aspirationnels, rassurent leurs adhérents tout en s’évertuant à augmenter sans cesse leurs cotisations ? Et bien il ne se passe rien de plus.

Certaines prennent officieusement en charge les appareils auditifs préréglés, de 50% à 100%, sur simple présentation de la facture d’achat (aucune prescription médicale n’est exigée, dans ce cas, par la mutuelle). Se sont les plus honnêtes. Nous tâcherons de vous en fournir une liste complète sous peu.

D’autres ont une partie de leur capital détenu par des audioprothésistes : elles bottent en touche, préférant que le français – qui paie pourtant ses cotisations de plus en plus chères – se rende chez un audioprothésiste partenaire.

D’autres, enfin, expliquent qu’elles ne remboursent pas les produits qui ne sont pas pris en charge par la Sécurité Sociale (mais certaines d’entre elles se positionnent quand même sur l’homéopathie, par exemple). C’est un argument qui est compréhensible, car la mutuelle aurait alors à essuyer les fraudes, ce qui est normalement le travail de la Sécurité Sociale (la fraude estimée à la Sécurité Sociale est de 14 milliards d’euros, mais c’est un autre débat) .

Nous pensons qu’il est du devoir du français éclairé d’agir et, en tant que consommateur, le pouvoir est dans ses mains :